mercredi 11 janvier 2017

Et les matins pour la fin

Voilà venu le temps de conclure (enfin?)


Comme vous l'aurez deviné peut-être, ces déchroniques doivent beaucoup aux matins calmes, le temps libre, le temps des enfants qui dorment encore, de cet air frais, dans ce calme relatif d'une Europe-Orient qui ne s'active que fébrilement à ces heures là, d'un bon petit café à la Turque, une table quelconque, un stylo à bille, et une fraîcheur d'esprit probablement. Et pour répéter le prologue, merci pour la suggestion.


Que retenir? Il suffit de relire...Six mois après, c'est avec plaisir que je relis ces notes,  ces angles de vues, qui racontent chacun quelque chose, qui vous retaquinent la mémoire. Pensez-y peut-être à ces quelques minutes de plume par jour.

Que retenir? Mais la liberté pardi ! Pas celle de cette nature pourtant grandiose. Non, la vôtre, celle d'avoir plus de cinq semaines devant soi, sans plannification pour dire, libre de rester là un peu plus, libre d'aller plutôt là, libre de choisir son rythme, et libre dans sa tête.

Nous, Arménie Géorgie 2016


Sourire à selle

Au singulier, bien sûr. Pas encore l'Asie centrale où les bébés naissent à cheval, la TransCaucasie reste néanmoins un point d'entrée, ou un passage - comme on veut - entre l'Europe et l'Asie (on a décidé ce coup-ci que ce sont les pays au Sud de la chaîne de montagne qui se nommeraient 'Trans' - en Roumanie, c'est le contraire); et donc, ici aussi le cheval devait avoir sa place pensai-je, et l'idée d'en faire profiter ma fille me trottait en tête depuis le début.

Rien à signaler aux premiers jours et d'ailleurs guère de crinières en vue. Des veaux et des veaux - moins que des vaches, cela surprend - gambadant aisément en égayant un peu plus les routes locales. Puis vint Sissian, ce plateau de montagnes et ce B&B perdu dans un coin de nature, aux hôtes si charmants qui répondirent sans tarder, en un coup de portable, à notre requête équestre. Et voilà la grande partie, souriante en selle, un guide local (improvisé peut-être) chevauchant à ses côtés. Elle, que le manège faisait tourner en rond sans bon de sortie, me dira qu'elle n'a point remarqué de 'plateau' ce jour-là mais une belle montée sur un sommet verdoyant, suivie de la descente un peu plus 'spectaculaire' me dira-t-elle en roulant des yeux, au risque réduit toutefois dans cette belle herbe folle. Sourire garanti deux jours!
 
Le petit aura l'occasion aussi, d'abord avec sa soeur sur un cheval de promenade digestive, faisant les cent pas aux abords du restaurant (de poisson d'élevage, espadon frais de l'heure, succulent merci); puis il chevauchera aussi vrai de vrai dans les gorges de Varzia en Géorgie - gorges que la soeur a pu de nouveau grimper lors d'une autre sortie à cheval.  Comme dit dans une autre chronique, nous eûmes aussi un après-midi à pied ma fille et moi, tenant en bride la monture de mon petit monseigneur.

Et le plus beau pour la fin, l'apothéose pour ma grande sortie de son manège: une grande balade à cheval dans la haute montagne du Grand Caucase, la remontée d'un torrent dans un paysage à couper le souffle. Sourire sans date de péremption.

vendredi 16 décembre 2016

Khinkalis



Cousin du pelmeni russe et spécialité géorgienne, on dirait une petite sacoche en pâte, au moins cinq centimètres de diamètre, refermée élégament par des plis serrés. Des variantes bien sûr mais le véritable khinkali est fourré de viande de mouton hachée aux herbes, coriandre en tête. A savoir: le khinkali se particularise par la présence de jus dans la sacoche, aspiré dès le premier croc après la prise en main. Décilieux quand authentiques, on eût la chance d'y gouter quand ils étaient préparés "pour eux" et pas "pour nous", de la main aimante d'une mère au four (sans moulin) pour l'anniversaire de son homme de fils - un regard chaleureux celui-là avec une tête absolument biblique, on l'imagine bien en apôtre barbu - non, en fils prodigue, voilà, c'est çà.

Fête d'anniversaire donc au "Fifth Season", maison d'accueil pour randonneurs déjà mentionnée dans ces chroniques, perchée en haut avec ses vues imprenables, mais qui reste humble face à Chaukhi, massif rocheux de la chaine principale du Grand Caucase. La fête semblait privée, organisée à minuit dans cette unique salle mêlant famille et migrants touristiques temporaires; mais l'invitation nous fût répétée et nous finirent donc par prendre place à la grande table une fois le petit confié à Morphée. Ambiance joyeuse évidemment, Maman au fourneau  ainsi qu'une autre dame (la composition familiale, qui donc travaille et qui donc est invité, est restée un peu mystérieuse), sans oublier grand-mère tout de noir vêtue, aux rides marquées mais avec la force pour bêcher un chemin sec, et qui dépose un bisou complice sur la tête de son hirsute de petit fils.

Khinkalis savoureux donc, c'est visiblement "la" chose à proposer pour cette célébration, mais aussi vodka (je n'abusai point cette fois),toasts prononcés par le maître de cérémonie, et accompagnement salés, surtout ce déliceux poisson sec-mais-pas-trop,  à mi-chemin entre la version russe très sèche et le fûmé scandinave mou. Demi-sec, comme le vin donc (pour ceux qui suivent). Le point délicat fût de s'éclipser au bon moment, ni trop tôt pour faire honneur à l'invitation, ni trop tard pour s'incruster dans leur fête. Au lit les migrants.

jeudi 15 décembre 2016

Tiblis à boire



Tiblis, appellation locale de Tbilissi qu'on identifie immédiatement comme "la" capitale du Causase. Ses monuments, sa grandeur, la rivière centrale surplombée du palais présidentiel, la citadelle de l'autre côté, rivière enjambée majestueusement par ce pont dela paix, ultra-monderne réussite. Puis le buzz qui distingue la capitale d'une ville de province, la vie qui bat son plein, toutes ces choses bien connues, mêlées ici au Sud, légèrement parfumé d'Orient.


Après la sieste et la dégustation nocture en cave ce soir là, je dormis peu et arpentai la ville dès 7h30, descendant d'abord le boulevant longeant les vieux murs de la ville, cherchant, vaguement d'abord, une terrasse ensoleillée pour un café et une déchronique à gratter. Point de chance, toutes les terrasses du même côté, à l'ombre, c'est le matin tout de même. Tour de ville, anciennes maisons pittoresques en bois, traversée des rues bar restaurant désertées, puis la place touristique en bas -- avec de belles tables au soleil - c'est même ouvert. Chouette. Hélas, les huit heures sont bien tassées déjà et déjà trop chaud pour y rester assis. Remontée par les pavés, en voici un autre ouvert ! Chouette. Re-hélas, c'est un Italien - pas top pour un café à la turque. Allez, enfin un autre, vrai Chouette. Grattage.

Revenons sur les magasins-caves, très répandus ici, faisant honneur à la réputation des vins géorgiens. Un serveur sympa, décapsulé par deux ou trois phrases en russe, me laisse tester deux ou trois vins avant de choisir mon verre. J'avais requis un rouge sec, même si le demi-sec est plus courant et plus courru, quoique sec par ici reste relativement doux par rapport au standard occidental. Très agréable au palais, assez long en bouche, un peu juste côté nez - et je n'y connais pas grand chose. La production locale semble abondante et de qualité, sans comparaison avec les productions des pays voisins, à ma connaissance. Mes amis arméniens ne m'en voudront pas, le vin géorgien est clairement supérieur, mais point de larmes: le cognac arménien est là pour leur fierté nationale.

samedi 3 décembre 2016

Espace nature


Vastes plateaux arméniens et Grand Caucase géorgien aux pointes aïgues et vallées déferlantes de torrents. Contraste et pourtant sentiment commun d'espace, de respiration, de liberté. Bien sûr les photos, le visuel, mais il ya autre chose - un peu de vécu évidemment. 



L'animal domestique. Voilà peut-être un de ces signes de cette liberté. Point de clôtures ou autres limites artificielles et, si ce n'est pour les moutons, point de "maîtres" non plus. Veaux et vaches paissent paisiblement là où leurs pas les guident. Bien sûr, "on" les rassemble généralement le soir mais cette impression de croiser parfois une vache seule au milieu de la montagne, élément clé de la photo pastorale prise aux lueurs matinales, cette impression finalement que "domestique" n'a pas vraiment la même signification ici.
Curieusement, nous avons plus ouvent croisé des petits troupeaux de veaux en Arménie, sans "adulte maternel" semble-t-il. Leur air un peu perdu, et la taille peut-être, la couleur rousse souvent, leur donnent un je-ne-sais-quoi de mignon, rarement attendu de bovins, occupés en d'autres contrées à regarder passer le train. Et puis ils aiment suivre les routes aussi, réclament leur priorité d'usagers faibles.


 Ma fille s'émerveille évidemment des chevaux en liberté qui, domestiques rappelons-le, se laissent souvent approcher en quête de quelque gratouillement. Plus nombreux dans le Grand Caucase, un peu aussi pour promener le quidam, mais sourtout pour des raisons purement logistiques. Pas des chevaux de trait, mais de véritable chevaux de charge grimpent les chemins montagneux le dos chargés de vivres ou autre chaise (vu), rendant de précieux services là où la voiture n'arrive pas, autant dire la quasi-totalité de Juta, où nous passâmes ces cing belles journées d'espace et de liberté.

Mal de mer

Partis en montagnes, dans une Arménie cerclée de terres, l'attraction des bords de mer pousse les enfants à me convaincre de diriger nos pas (enfin nos roues aussi) en Géorgie vers la mer Noire. Direction Batumi donc, station presqu'aussi célèbre qu'Odessa dans les pays de l'Est.

 Sans bobos auparavant, c'est bien là que nous bûmes la tasse, au propre comme au figuré, seul et peut-être inévitable pépin de santé du voyage. Revenons à la tasse: eau délicieusement chaude, l'enfant sautant sans bornes, emmailloté dans son gilet orange, baignades de très longues durées donc. Et Paf! Dans le piège comme de nombreux primo-arrivants (y a pas que les réfugiés qu'on appelle comme cela). Nos instestins succombèrent méchamment à cete ingestion forcée d'eau de mer (pas noire, bien bleue je vous l'assure). Demi-journée au lit pour les enfants, température la nuit, bref le tralala qui devait bien arriver une fois sur ce long périple. Demi-journée suivante, re-Paf! Cest mon tour, KO sans estomac et sans force, la grande fera les sacs pour deux en préparation du soir.


Eh oui, c'est justement le seul trajet réservé un peu en avance, la traversée en train de nuit de la Géorgie, d'Ouest en Est. Pourquoi ce soir didju (traduction: verdomme)? Départ 1h30, la nuit se passe sans encombres - on dort même - jusqu'au réveil disons brutal du petit qui rechute, avec effet visuel tangible dirons-nous. 7h du mat', nous titubons jusqu'au snack de cette gare-marché de banlieue perdue. Dix minutes plus tard, les deux dorment littéralement sur la table (si si, j'ai la photo). Que faire? La responsabilité paternelle me taraude. Temporiser à Tbilissi? Ce qui se traduira en deux jours à glandouiller à l'hôtel, vu leur état. Décision difficile et pourtant je les réembarque - autant qu'ils dorment dans le minibus si c'est pour dormir, espérant secrètement (les poches bourrées de sachet, on ne sait jamais) qu'ils y dorment réellement (gagné! na!) et que l'air des hautes montagnes à l'arrivée ferait ses miracle. Pari osé (le petit se tenait le ventre au départ) mais réussi: tous deux en grands sourires et gambadant allégrement à l'arriéve. Pffiou! Avait pourtant eu difficile à me convaincre moi-même...

dimanche 6 novembre 2016

Au travers


Rivières, celles qui arrosent les vergers d'Arménie, celles qui en torrent ont façonné le Grand Caucase en Géorgie, celles qui ont creusé ces gorges pittoresques, telles celles du Vorotan en Arménie, rivière que  nous croisâmes et recroisâmes, ou celles de Varzia en Géorgie où nous passèrent deux journées. Justement, l'arrivée au gîte de Varzia demanda là de terminer le chemin à pied, en traversant un pont métallique qu'on aurait crû de loin sans protection aucune.

Au-dessus du Vorotan, un autre pont métallique bien plus long et à usage touristique enjambait la vallée profonde en ondulant ostensiblement pour l'amusement des adultes et le plaisir des petits (grottes de Khndzoresk, comme ça se prononce). Plus spectaculaire, excitation pour le petit et vue splendide pour les autres, le téléphérique 'horizontal' de Tatev, qui vole au-dessus de la vallée jusqu'au célèbre monastère (je sais, j'aurais dû résister pour le lien). Bien plus rapide que la route, ce téléphérique figure au Guiness Book (pardon, Guiness Site) des records.


Khndzoresk





Les torrents se traversent autrement, parfois à poutre comme sur la photo, mais plus généralement à pied, en sautillant-glissant de pierre à caillou. Inévitablement vint celui un peu plus gros (le torrent, pas le caillou) près de Juta (Kazbegi): déchaussés, courage à deux mains, chaussures dans la troisième main, ma fille et moi eurent l'eau jusqu'aux genoux, peinant à tenir face au courant, tenant le petit chou par la (quatrième) main -- pour lui c'était quasiment jusqu'à la hanche - merci Grand Soleil du Caucase pour ton action salvatrice.

Toujours dans la région, un de ces petits torrents, très raviné, fût trop difficile à franchir pour le cheval qui emmenait le petit - eh oui, nous eûrent ce plaisir et privilège d'une balade  à pas normal, puisque les propriétaires de ce magnifique "5th Saison" avaient gentiment accepté de nous louer le cheval sans guide, confiants d'avoir vu ma grande à la manoeuvre. Pour la petite histoire, le cheval traversa finalement plus loin, guidé par notre spécialiste, tandis que les messieurs déchaussèrent une fois de plus.

Au travers des montagnes: l'Ingouchie

Pont de la paix à Tbilissi